Amsterdam/Bruxelles, 15 juin 2020 — Un rapport publié aujourd’hui par International Campaign for Tibet souligne les dangers posés par le manque de réciprocité de la Chine envers l’Union européenne au sujet de l’accès au Tibet. Il y a exactement trente-deux ans, le Dalaï-lama s’adressait au Parlement européen à Strasbourg, où il présentait sa vision pour l’avenir du Tibet.
Le rapport « Accès refusé : Nouvelle législation américaine, la quête de la réciprocité en Europe et l’isolement du Tibet » (« Access Denied: New U.S. legislation, the Quest for Reciprocity in Europe and the Lockdown in Tibet » en version originale) fait le point sur les efforts mis en œuvre par la Chine pour limiter l’accès au Tibet, en contravention avec la pratique diplomatique habituelle entre pays. Ces efforts ont été pour la première fois détaillés dans un précédent rapport d’ICT publié en mai 2018.
S’appuyant sur l’adoption aux Etats-Unis de la loi sur l’accès réciproque au Tibet (« Reciprocal Access to Tibet Act ») – qui interdit l’entrée sur le territoire national des officiels chinois directement responsables de refuser l’accès au Tibet des citoyens américains – et sur une prise de conscience croissante des dangers d’une relation asymétrique avec la Chine, le rapport souligne la nécessité d’un accès sans entraves au Tibet pour les citoyens, diplomates, parlementaires et journalistes européens.
Intensification des appels en faveur de la réciprocité en Europe
Comme le montre le rapport, les représentants des gouvernements, journalistes et touristes qui souhaitent se rendre au Tibet s’en voient fréquemment refusés l’accès, et les quelques-uns qui y parviennent sont contraints de se joindre à des visites guidées strictement contrôlées, lors desquelles ne leur sont montrés que des « villages Potemkin » qui cachent la réalité de la répression chinoise envers le peuple tibétain. Refuser l’accès sans entrave au Tibet, ou menacer de le faire, est un moyen pour la Chine d’empêcher les critiques de son bilan désastreux en matière de droits humains au Tibet, qu’elle occupe brutalement depuis 1949. Une ouverture du Tibet au reste du monde assurerait une plus grande transparence et obligerait les responsables chinois à rendre des comptes sur leurs agissements et aiderait ainsi à prévenir ces violations des droits de l’homme.
Au cours de ces derniers mois, les appels pour une plus grande réciprocité avec la Chine se sont intensifiés en Europe – y compris dans une déclaration du diplomate en chef de l’Union européenne Josep Borrell selon laquelle les maîtres mots de la relation entre l’UE et la Chine devraient être « la confiance, la transparence et la réciprocité. » En avril 2019, sa prédécesseure Federica Mogherini avait spécifiquement appelé les autorités chinoises à « autoriser l’accès réciproque au Tibet pour les familles, journalistes et diplomates européens. » Une demande récemment réitérée dans une tribune publiée par plusieurs média européens et signée par 57 parlementaires de 19 pays, qui ont exhorté leurs gouvernements à adopter leurs propres versions de la loi sur l’accès réciproque au Tibet afin de signaler à Pékin que son traitement injuste des citoyens européens, ainsi que son isolation du peuple tibétain ne peut plus être toléré.
« Suite à l’adoption de la loi sur l’accès réciproque au Tibet aux Etats-Unis et sur la base du principe diplomatique de réciprocité, il incombe désormais aux gouvernements européens et à l’Union européenne d’insister sur le principe de réciprocité dans leurs échanges avec la République Populaire de Chine, » a déclaré la Directrice exécutive d’ICT Europe Tsering Jampa. « Ce principe ne devrait pas être limité aux seuls domaines du commerce et des investissements, mais également inclure les libertés fondamentales, afin de remédier à l’asymétrie de l’influence autoritaire de la Chine, non seulement au Tibet, qui a été isolé du reste du monde ces six dernières décennies, mais également pour nos propres sociétés. »
Ce que le rapport montre
Le nouveau rapport fait état des éléments suivants :
- En 2019, les autorités chinoises ont intensifié leur propagande selon laquelle le Tibet serait « ouvert » dans le but de masquer les politiques coercitives qu’ils y exercent, tout en limitant aux journalistes et gouvernements étrangers la possibilité de juger véritablement de la situation sur le terrain.
- Alors que l’attention diplomatique au sujet de l’accès réciproque aux territoires respectifs a pris de l’ampleur, la Chine a étendu sa propagande sur le Tibet en envoyant des délégations officielles prétendant représenter le Tibet dans les capitales étrangères pour attaquer le Dalaï-lama et rallier du soutient pour son discours fallacieux sur le Tibet. Au cours des dernières décennies, il y a eu près de trois fois plus de visites de délégations organisées par le Parti communiste chinois dans les pays occidentaux que de représentants de gouvernement occidentaux autorisés à se rendre au Tibet. En 2019, ces visites ont continué de représenter une priorité pour le Parti communiste chinois (PCC), qui a particulièrement insisté sur sa légitimité à contrôler la succession du Dalaï-lama, en réponse à des critiques croissantes de la communauté internationale à ce sujet (certains gouvernements ayant confirmé que la décision à ce sujet appartenait légitimement au Dalaï-lama, et non à Pékin).
- Le tourisme de masse – domestique et étranger – au Tibet coexiste avec les pouvoirs absolus d’un état sécuritaire engagé dans l’une des répressions politiques les plus généralisées depuis une génération.
- Alors que les touristes chinois peuvent de plus en plus librement accéder au plateau tibétain, les Tibétains eux-mêmes sont soumis à des restrictions sans précédent de leurs mouvements. Ces restrictions les isolent virtuellement du reste du monde, puisqu’il leur est impossible de voyager – et cela même dans le rare cas où ils obtiennent un passeport chinois ou une bourse d’étude à l’étranger. Les Tibétains risquent également des sanctions sévères lorsqu’ils expriment des opinions qui diffèrent de celles du PCC, même quand elles sont modérées.
- Un nombre croissant de Tibétains en exil qui souhaitent retourner au Tibet pour y rencontrer des membres de leur famille, comme par exemple leurs parents âgés, sont à la merci de la surveillance de l’Etat, et l’on constate des efforts croissants de la part du gouvernement chinois d’influencer une nouvelle génération née en exil de parents tibétains dans le but de lui instiller le « gêne rouge » et d’effacer leurs souvenirs ou perceptions de ce que leurs familles ont vécu au cours de 60 ans d’occupation chinoise.
- Le rapport d’ICT confirme également qu’en Europe, les exilés tibétains se voient fréquemment refuser le droit de rendre visite aux membres de leur famille qui vivent encore au Tibet. Lorsqu’ils introduisent une demande de visa pour la Chine, les Tibétains sont soumis à un processus discriminant et humiliant par les ambassades et consulats chinois, avant que leur demande soit presque sans exception rejetée.
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La tribune « Le gouvernement chinois doit nous laisser accéder au Tibet » a été publiée dans sa version française par l’Obs (https://www.nouvelobs.com/monde/20200615.OBS30062/tribune-le-gouvernement-chinois-doit-nous-laisser-acceder-au-tibet.html) et La Libre Belgique (https://www.lalibre.be/debats/opinions/le-gouvernement-chinois-doit-nous-laisser-acceder-au-tibet-5ee746859978e21bd0709843).