Bruxelles, le 3 juin 2020 – Le Conseil de déontologie journalistique (CDJ) de Belgique a constaté le mois dernier que le quotidien Le Soir avait commis une faute déontologique en ne présentant pas du contenu publicitaire émanant d’une agence de presse officielle chinoise de façon adéquate.
Dans un avis publié le 20 mai, le CDJ affirme que « Les mesures prises par Le Soir pour permettre au public de percevoir sans effort une différence visuelle évidente et incontestable entre les contenus journalistiques émanant de la rédaction et deux pages publicitaires signées de l’agence de presse officielle Xinhua (Chine Nouvelle) étaient insuffisantes et contrevenaient à l’art. 13 (confusion publicité – information) du Code de déontologie. » L’avis conclut que Le Soir a donc commis une faute déontologique et lui demande d’en informer ses lecteurs.
L’avis du CDJ a été adopté suite à une plainte introduite par International Campaign for Tibet (ICT) suite à la publication par le quotidien de deux pages rédigées par Xinhua (Chine Nouvelle), une agence de presse officielle chinoise, en novembre 2018.
Pour Vincent Metten, Directeur des Affaires européennes d’ICT qui avait introduit la plainte au nom de l’ONG, « la décision du CDJ est un pas dans la bonne direction et crée un précédent bienvenu. Mais notre objectif final est que Le Soir ainsi que les autres journaux qui publient de tels contenus émanant d’agences de presse chinoises, mettent un terme définitif à cette pratique ; ces inserts sont en effet des instruments de propagande et d’influence politique et menacent l’indépendance de nos médias. »
Dès 2018, ICT avait écrit à plusieurs reprises au journal Le Soir pour exprimer ses préoccupations à ce sujet, mais ses courriers étaient restés sans suite.
Ces inserts publicitaires issus d’organes de presse officiels du Parti communiste chinois ont vu le jour aux Etats-Unis en 1992. Cette pratique s’est ensuite répandue en Europe, et aujourd’hui, plusieurs journaux européens ont des accords avec le China Daily ou Xinhua pour la publication de ces inserts. Ces inserts apparaissent à différentes fréquences et sous différentes formes, y compris le supplément de plusieurs pages « China Watch » produit par le China Daily. Parmi eux, Le Soir, mais aussi Le Figaro et Le Monde en France, El Pais en Espagne, ou encore le Handelsblatt en Allemagne (des demandes de clarification d’ICT au Figaro, Le Monde et au Handelsblatt sont également restées sans réponse).
Récemment, certains journaux ont décidé de faire marche arrière et de mettre fin à ce genre de coopération, comme le Süddeutsche Zeitung, le New York Times ou plus récemment le quotidien britannique Daily Telegraph.
D’après deux instituts de recherche basés à Berlin qui ont publié un rapport fouillé sur l’influence croissante chinoise en Europe, ces suppléments servent deux objectifs principaux : exposer le lecteur au point de vue officiel chinois en donnant l’impression qu’il s’agit d’un contenu éditorial normal, et créer des dépendances et des potentiels leviers sur les décisions éditoriales.
La liberté de la presse est inexistante en Chine, et certains médias à la solde du pouvoir participent de manière active au chantage de militants des droits de l’homme, de blogueurs, de libraires, d’éditeurs et de journalistes visant à leur extraire des « aveux » et à les humilier publiquement. Ces méthodes violent les droits de l’homme et les libertés fondamentales de ceux qu’ils visent. Ils intimident les dissidents et participent à l’intensification du climat de répression, déjà accentué depuis l’arrivée de Xi Jinping au pouvoir. China Daily et Xinhua, des médias d’Etat, font partie intégrante de cette répression.
« Il est nécessaire de s’interroger sur les limites, les critères et les règles à respecter dans une démocratie vis-à-vis de la communication proposée à nos médias par des régimes autoritaires bafouant les droits humains. Il en va de la préservation d’un pilier de nos sociétés démocratiques : une presse libre, indépendante et respectueuse des valeurs démocratiques de notre pays, » a ajouté Vincent Metten.
Points de contact :
Vincent Metten, Directeur des Affaires européennes
International Campaign for Tibet Bruxelles
Email : vincent.metten@savetibet.eu
Téléphone : +32 (0)473 99 04 40
Mélanie Blondelle, Responsable politique et plaidoyer
International Campaign for Tibet Bruxelles
Email : melanie.blondelle@savetibet.eu
Téléphone : +32 (0)499 37 21 71